Le vase brisé
Le vase brisé
« Le vase où meurt cette verveine
D’un coup d’éventail fût fêlé ;
Le coup dut l’effleurer à peine :
Aucun bruit ne l’a révélé.
Mais la légère meurtrissure,
Mordant le cristal chaque jour ;
D’une marche invisible et sûre,
En a fait lentement le tour ;
Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
Le suc des fleurs s’est épuisé
Personne encore ne s’en doute ;
N’y touchez pas, il est brisé.
Souvent aussi la main qu’on aime,
Effleurant le cœur, le meurtrit ;
Puis le cœur se fend de lui-même,
La fleur de son amour périt ;
Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde ;
Il est brisé, n’y touchez pas ».
Armand Sully Prudhomme
1839-1907
Poème le plus célèbre de son recueil...
Le Vase brisé est une élégante métaphore du cœur brisé par un chagrin d’amour.